Nina Simone, l’histoire d’une battante…

《Elle est une des voix du siècle passé, peut-être la voix la plus emblématique des noirs américains, la voix étranglée des opprimés en même temps celle veloutée, puissante, quasi mystique d’une intime joie d’être et d’exister》. Ces mots de Franck Ferrand décrivent bien celle qui aura connu un destin singulier, une carrière similaire aux montagnes russes : Nina Simone

 Eunice Waymon était son vrai nom. Nina Simone est un pseudo. Niña était le surnom que lui attribuait son petit copain d’alors, Simone ferait référence à la chanteuse Simone Signoret. Nina avait choisi ce surnom afin que sa mère ne devine pas sa notoriété, elle qui jouait la « musique du Diable » pour subvenir aux besoins de la famille. Nina Simone a vécu une enfance et une adolescence difficiles en rejoignant le Sud des Etats-Unis, devant faire face au Racisme. A 19 ans, elle échoue au concours d’entrée à l’Institut Curtis . Selon son oncle, elle a été refusée parcequ’elle avait la peau noire. Au fil du temps, Nina Simone jouait au piano et chantait, devenant de plus en plus célèbre. Une star est née.

Les premières péripéties

Son mariage avec Andrew est sans doute l’un des points noirs de sa vie. Son mari, qui était devenu son manager la battait. Elle raconte : « Je travaillais comme un damné et il me faisait peur. Andrew me battait. Je n’en ai jamais vraiment parlé mais il me frappait et j’avais une peur bleue de cet homme. Un jour, j’étais en discothèque avec Andrew. Un fan était venu me voir et m’avait glissé un mot ; Andrew m’a vu le mettre dans ma poche. Une fois dans la rue, il avait commencé à me frapper, les coups pleuvaient. Dans ma chambre, il m’a mis un revolver sur la tempe, puis il m’a attaché et m’a violé.* »

Toutes ces douleurs ont fait que Nina vivait un spleen. Il fallait un exutoire. Au même moment, elle s’engageait dans la lutte en faveur des droits civiques des noirs. « Mississipi Goddam » devenait une chanson célèbre, des leaders comme Stokely Carmichael, époux de Myriam Makeba, en faisaient mention. Au fil de l’évolution de son engagement, Simone nouait des relations avec les leaders de la contestation. Langston Hugues écrit une chanson pour elle. Son engagement était sans failles, elle qui disait devant Martin Luther 《Je ne suis pas non violente  ».

 L’Exil

En prenant part au mouvement, Nina Simone compromettait sa carrière. Des années plus tard, elle revenait sur l’effet de son engagement sur la carrière : « Je ne regrette pas avoir pris part aux mouvements des droits civiques. Je le referai s’il le fallait mais certaines chansons ont compromis ma carrière. L’industrie musicale a décidé de me punir pour mes chansons engagées. Elle a boycotté mes disques.* »

Ne pouvant plus soutenir le poids de la pression, ayant rompu avec son époux, Simone quitte les Etats-Unis pour le Libéria. Une trajectoire similaire à celle de Myriam Makeba qui quittait les Etats Unis pour vivre en Guinée avec Stokely Carmichael. Au Liberia, Nina Simone retrouve de la tranquillité. « Là bas tout était vaste et ouvert. La nature dominait ».  Au fil du temps, elle fut confrontée à des problèmes financiers. Elle quittait alors le Libéria pour la Suisse. Le sort continuait à s’acharner sur elle. Elle raconte : « En Suisse, je n’avais pas d’argent, je n’ai jamais rien reçu d’Andy. Il a coupé les ponts. J’étais fauchée. Alors, j’ai quitté la Suisse pour Paris en me disant que je pourrai reprendre ma carrière. Je l’ai fait seule. J’ai atterri au mauvais endroit. Je travaillais tous les soirs dans un petit café pour 300 dollars la session. J’étais tombée en disgrâce* ». Devenue dépressive,  elle parvient à redresser la pente avec l’aide de quelques amis. Nina Simone entamait alors une seconde carrière en faisant une tournée mondiale. L’artiste avait retrouvé son envergure mais l’âge gagnait du terrain. Le 21 Avril 2003, Nina Simone tirait sa révérence, emportée  par un cancer du sein. Deux jours avant sa mort, l’Institut Curtis qui l’avait rejetée à ses 19 ans la déclare docteur Honoris Causa. Au cours de sa carrière, elle fut nommée 15 fois aux Grammy et fut intronisée au panthéon des Grammy en 2000.

Sources

Liz Garbus, What Happened, Miss Simone ?, Moxie Firecracker Film – RadicalMedia, 2015, 101 mn*

Bibliographie

Al-Joundi Darina – Kacimi Mohamed, Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter,  éditions Actes Sud, Collection Babel, 2008, 157 pages

Hirsch Mathilde – Noiville Florence , Nina Simone, Love me or leave me, Tallandier, 2019, 336 p.

Lambert  David Brun, Nina Simone : une vie, Paris, Flammarion, 2005, 371 p.

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