La victoire d’Adoua, remportée face aux troupes italiennes en 1896 préserva l’indépendance de l’Ethiopie qui fut avec le Libéria le seul pays africain non colonisé.
Ethiopie. 1889. Menelik II monte sur le trône (il règnera de 1889 à 1913). Pendant le règne du précédent empereur qui s’appellait Johannes, Menelik, bien que gouverneur de la province du Choa et à ce titre vassal de l’empereur, entretenait de bonnes relations avec l’Italie tandis que Johannes la combattait.
Ses relations cordiales avec l’Italie avaient permis à Ménélik d’obtenir une grande quantité d’armes, puis de conquérir plusieurs riches régions d’Ethiopie (alors qu’il était « seulement » roi du Choa).
Le 2 mai 1889, Menelik signa le traité de Wuchalé (Ucciali en italien), point culminant de ses bonnes relations avec l’Italie. Le traité, qui allait s’avérer être un tournant dans les relations entre Menelik et l’Italie, comportait des dispositions favorables aux deux parties. Menelik reconnaissait la souveraineté de l’Erythrée tandis que l’Italie était le premier pays qui reconnaissait à Menelik le titre d’empereur et lui promettait qu’il pourrait faire passer par l’Erythrée ses importations d’armes et de munitions.
Mais bientôt l’article XVII qui était l’article le plus important du traité prêta à contestation. En effet, le traité avait été signé en deux versions, une en italien, l’autre en amrahique, la langue utilisée en Ethiopie. Selon la version amrahique, l’Ethiopie pouvait recourir aux autorités italiennes si elle voulait entrer en relation avec d’autres pays. Dans la version italienne, le recours à l’Italie était obligatoire.
L’Italie, s’appuyant sur la version italienne prétendit établir un protectorat en Ethiopie. Les puissances européennes reconnurent les prétentions italiennes. Les italiens occupèrent la ville d’Adowa (Adoua) pour soutenir leurs prétentions et firent savoir au ras Mangacha qui était également gouverneur de la province du Tigrai et fils de Johannes qu’ils ne se retireraient pas tant que Ménélik n’aurait pas accepté leur interprétation du traité de Wuchalé.
Menelik refusa de céder et après plusieurs années de tergiversation au cours desquelles il acheta un grand nombre d’armes principalement à la France et à la Russie pour annexer le plus souvent par la force divers térritoires, il dénonça le traité de Wuchalé le 12 février 1893. Il informa les pays européens de son geste et dit à propos des prétentions italiennes que « l’Ethiopie n’a besoin de personne. Elle tend les mains vers Dieu ». En disant cela, Menelik avait tout de même en sa possession 82 000 fusils et 28 canons.
En décembre 1894, la guerre éclata entre l’Erythrée et l’Italie. Au début de janvier 1895, les Italiens attaquèrent le Ras Mangacha et s’emparèrent d’une grande partie de la province du Tigrai. Menelik décréta la mobilisation le 17 septembre et remporta d’importantes victoires. Les Italiens se replièrent alors sur Adowa où après quelques mois d’inaction, vint le moment de la bataille décisive.
Menelik était en bonne posture car en essayant de coloniser l’Erythrée, les Italiens avaient déclenché l’hostilité des populations qui étaient maintenant favorablesà Menelik et prêts à l’aider. Les italiens de leur côté, en plus d’être confrontés à l’hostilité des populations, avaient en leur possession des cartes imprécises. Le général italien Baratieri qui allait affronter Menelik avait reçu le soutien du ministère italien des affaires étrangères qui avait demandé « une victoire authentique, c’est à dire sans équivoque. »
Menelik avait une armée de 100 000 hommes équipés de fusils modernes, sans compter ceux qui n’avaient que des armes à feu anciennes ou des lances. L’armée italienne n’était composée que de 17 000 hommes (10 596 italiens, le reste étant des erythréens). Menelik possédait 40 canons, les italiens 56, mais cela ne constituait pas un avantage décisif pour ces derniers. La bataille d’Adoua fut une éclatante victoire pour Menelik : plus de 40 % des soldats de l’armée italienne furent tués ou blessés, les italiens perdirent 11 000 fusils et tous leurs canons. Baratieri avait attaqué le 1er mars 1896. Le 1er mars était un jour de fête pour l’église éthiopienne et Baratieri pensait que beaucoup de soldats seraient pris par des rites religieux. Au lieu de cela, il tomba sur 100 000 hommes armés et décidés. A la suite de leur défaite, les italiens signèrent le traité d’Addis-Abeba (« la fleur nouvelle ») qui annulait le traité de Wuchalé et reconnaissait la complète indépendance de l’Ethiopie.
La bataille d’Adoua conféra beaucoup de prestige à Menelik : la France et l’Angleterre envoyèrent à sa cour des missions diplomatiques pour conclure des traités avec lui. Le sultan de l’empire Ottoman, le tsar de Russie, les mahdistes du Soudan détachèrent également des ambassades. L’Ethiopie acquit du prestige dans la région de la mer rouge et attira également des intellectuels noirs d’Outre mer: le haïtien Benito Sylvain, un des premiers apôtres du panafricanisme, fit quatre voyages en Ethiopie entre 1889 et 1906 en tant que messager du président Alexis de Haïti. Un noir américain d’origine cubaine, William H Ellis, alla deux fois en Ethiopie en 1903 et 1904 afin d’exposer divers projets de développement économique et d’établissement de Noirs américains. En 1911, l’écrivain de la Gold Coast (le futur Ghana) J E Casely Hayford publia un livre intitulé « Ethiopia Unbound » avec la dédicace suivante : aux fils de l’Ethiopie du monde entier.
Menelik mourut en 1913. Au cours de son règne, il avait également mené des guerres de conquête pour accroître l’empire, et tenté de mener l’Ethiopie sur le chemin de la modernisation (abolition de l’esclavage, enseignement obligatoire, projet d’établissement d’un code de droit moderne…). En 1909, il avait désigné pour lui succéder son petit-fils Iyasou avec jusqu’en 1911 la régence du Ras Tessema. En 1916, pour cause de politique incohérente, Iyasou fut déposé du trône par l’aristocratie éthiopienne qui proclama impératrice Zaoudit, la fille de Ménélik avec comme régent et héritier le Ras Tafari, le futur Haïlé Sélassié Ier à partir de 1930.
Sources :
Histoire generale de l’Afrique (Unesco/Editions Presence Africaine)
Histoire de l’Afrique Noire (Joseph Ki Zerbo / Editions Hatier)