Les deux formes d’organisation du pouvoir
Dans le système politique kongo, il existait deux dimensions parallèles d’organisation du pouvoir. La première était celle des positions de pouvoir à l’intérieur du village ou de la famille (nzo), normalement détenue par les aînés, chefs de village, connaisseurs des traditions, capables de représenter leurs subalternes dans les conflits avec des groupes voisins et devant les tribunaux. La seconde allait au-delà des groupes parentaux et villageois, pour s’étendre à la sphère des manis, c’est-à-dire les chefs titrés.
À la différence des chefs de village, ou de kanda, le pouvoir des manis se basait sur une instance politique plus élevée, de laquelle ils recevaient leur titre. Comme symbole de la légitimité venue d’en haut, le mani recevait un bonnet mpu en raphia finement tissé (image dessous), tandis que d’autres insignes de pouvoir étaient exhibés par le mani supérieur ou, dans le cas du roi et d’autres grands manis indépendants, par le conseil local formé des seigneurs les plus notables. Pour cette raison, le mani était mpu mfumu, soit un chef couronné/titré, un seigneur portant le mpu.
Image 1, « Prestige Cap (Mpu), Kongo peoples, 16th–17th century », Metropolitan Museum of Art, NY. (« chapeau de prestige, peuple kongo, XVIe-XVIIe siècle »)
La hiérarchie politique
Au Kongo des XVIIIe et XIXe siècles, il y avait au moins trois niveaux de manis couronnés, qui étaient, par ordre croissant : 1- les manis de sous-provinces, représentants locaux des manis de provinces, 2- les manis de provinces, représentants provinciaux du roi, 3- le roi, représentant royal des (rois) ancêtres. Les titres politiques, qui accompagnait l’accès aux postes dirigeants étaient restreints aux clans dominants considérés muana Kongo, c’est-à-dire les enfants du Kongo. Les clans notables monopolisaient les titres politiques, empêchant les makanda ou groupes extérieurs d’y avoir accès. La transmission du pouvoir politique étant dominée par les grands rois du passé, le fait de faire partie de la descendance de ces monarques était l’argument idéologique majeur des « enfants » au pouvoir.
Thiago C. SAPEDE, « LE ROI ET LE TEMPS, LE KONGO ET LE MONDE :Une histoire globale des transformations politiques du Royaume du Kongo (1780-1860) », Institut des Mondes Africains, Thèse de doctorat en Histoire et Civilisations, pp 78-79