Du 19 au 20 juin 1940, les soldats du 25e régiment de tirailleurs sénégalais reçoivent l’ordre de “résister sans esprit de recul”. Face à eux, l’armée nazie en surnombre et mieux équipée. Alors que la France a déjà capitulé, les soldats vont se battre jusqu’à la mort, et être les victimes du racisme des Allemands.
Le à 12 heures 30, le maréchal Pétain, nouveau chef du Gouvernement français, fait un discours officiel à la radio où il annonce qu’il faut cesser le combat et son intention de demander à l’ennemi la signature d’un armistice.
Seule l’armée des Alpes résistait à l’Italie alliée des Allemands, dans le sud du pays. La défense française risquait donc d’être rejointe de part et d’autre, venant du Nord, par les Allemands, et au Sud, par les Italiens. Il fallait à tout prix essayer d’arrêter la progression allemande avant d’être encerclé de toutes parts.
C’est pourquoi la décision fut prise de retarder les Allemands à la hauteur du Rhône, puisque Lyon, déclarée ville ouverte* laissait passer les Allemands et continuer leur progression vers le Sud, l’Armistice ne devant s’appliquer effectivement qu’à partir du 22 juin.
Le 18 juin 1940, de Londres, le général de Gaulle prononce son fameux appel à ne pas cesser le combat. C’est la confusion gouvernementale complète et la situation est désespérée .
Les effectifs allemands, en effet, étaient en surnombre et beaucoup mieux équipés que les soldats français.
Le 19 Juin, les Allemands se rapprochent de Lyon, et l’armée française place aux entrées nord de Lyon le 25e régiment de Tirailleurs Sénégalais, évitant ainsi aux Français le maximum de pertes .
La 3e compagnie du 25e régiment de tirailleurs sénégalais ne reçoit pas l’ordre de retraite, malgré la capitulation de la France, on leur précise :
« En cas d’attaque, tenir tous les points d’appui sans esprit de recul, même débordé. Conserver à tout prix l’intervalle Saône-Azergues par où passe la N 6. »
On le voit, au besoin, se faire tuer sur place.
Les combats furent donc terribles, mais les allemands qui avaient jusque là rencontré peu de résistance, sont surpris par la hargne de ces soldats « Sénégalais » . Il se battront jusqu’à la mort et finiront par vite se faire déborder par les Allemands. C’était un combat sans issue, perdu d’avance, un « combat pour l’honneur » , se dit il. Ils auront résisté pendant 2 jours.
Sans pitié pour les soldats français, les Allemands s’acharnent particulièrement sur les tirailleurs. Ils divisent ceux qui sont faits prisonniers en deux groupes, d’un côté les soldats français blancs et de l’autre les «Sénégalais». Les premiers assistent, horrifiés, au massacre des tirailleurs sénégalais par les mitrailleuses.
Au lieu-dit « Vide Sac », à l’emplacement même du cimetière, le tata sénégalais, 51 tirailleurs meurent sous les balles des Allemands, et leurs corps sont mutilés par les chenilles des chars d’assaut.
Aucun texte officiel allemand n’a été retrouvé qui ordonnerait de telles pratiques ; mais elles trouvent à coup sûr leur origine dans les stéréotypes du « tirailleur coupeur d’oreilles »* hérités de la Grande Guerre (1ere guerre mondiale), les séquelles de la «honte noire»* et les théories nazies racistes.
Une note relative à la conduite à tenir à l’égard de certaines catégories de prisonniers, signée du colonel Nehring, chef d’état-major de Guderian, illustre cet état d’esprit : « Il est établi que les soldats français coloniaux ont mutilé de façon bestiale des soldats allemands. Envers ces soldats indigènes, toute bienveillance serait une erreur. Il est rigoureusement interdit d’envoyer ces prisonniers à l’arrière sans garde. Ils sont à traiter avec la plus grande vigueur. »
Le Journal d’un soldat allemand (Wilhelm Prûeller) consigne le martyr des tirailleurs : «Sur la route, nous trouvons un véhicule d’un de nos propres détachements d’artillerie renversé. À côté, un soldat mort, un poignard dans le cœur. Son camarade grièvement blessé nous explique qu’ils ont été attaqués traîtreusement et poignardés par des nègres. En représailles, nous avons ramassé vingt nègres et les avons fusillés sur-le-champ.»
À l’issue des combats, des Français se chargent de relever les corps de tirailleurs disséminés sur le champ de bataille, dans les bois ou les décombres des villages. Bravant l’interdiction des autorités militaires allemandes, ils leur donnent une sépulture qui rappelle leur sacrifice.
Interrogé par la presse dans l’immédiat après-guerre, un témoin se souvient : «Au bas de la montée de Balmont, dans le faubourg lyonnais de Vaise, on pouvait, en 1941, lire, pyrogravée sur une planche, cette inscription magnifique dans sa concision : “Ici, le 19 juin 1940, ont été fusillés par les Allemands, vingt tirailleurs sénégalais, pour avoir, la veille, par ordre, tenté d’arrêter une armée” !»
Le tata de Chasselay (cimetiére des tirailleurs sénégalais) a été érigé le 8 novembre 1942, à la suite d’une souscription organisée par Jean Marchiani, un ancien combattant de 14-18, secrétaire général de l’office départemental des mutilés de guerre.
En 1966, le tata a été déclaré nécropole nationale (entretenu à perpétuité par l’Etat français). 188 tirailleurs sénégalais morts en juin 1940 y reposent.
En 1990, le film « Tata » réalisé par Patrice Robin et Evelyne Berruezo revient sur cette tragédie , mais il sera sur les chaînes publiques françaises.
Durant la guerre, de nombreux soldats des colonies françaises d’Afrique ont subi le racisme allemand .
- Les 8, 9 et 10 juin 1940 ,les tirailleurs des 16e et 24e régiment de tirailleurs sénégalais sont massacrés au bois d’Eraine par les Allemands. A l’issue de cette bataille, les sous-officiers et les hommes de troupe européens sont épargnés, enfermés dans une étable de la ferme d’Éloge et transférés le lendemain 11 juin vers Breteuil en tant que prisonniers de guerre traités conformément aux conventions de Genève ; tous les Africains sont exécutés au sud du bois d’Éraine et laissés sans sépulture. Le nombre de soldats tués n’a pas été clarifié. Un témoin a évoqué 64 tirailleurs. Une stèle, élevée en 1992, commémore le souvenir du massacre du bois d’Eraine
- Entre le 18 et le 21 juin 1940, 43 soldats des troupes coloniales françaises, prisonniers de guerre, sont assassinés par les Allemands pour la seule raison de leur couleur de peau. Le Monument aux 43 tirailleurs sénégalais est une statue érigée sur le lieu de ce massacre à Clamecy dans la Nièvre en France. Elle est inaugurée le 20 juin 1948.
L’histoire oublie souvent ces soldats qui loin de leur terre, se sont battus au prix de leur vie, pour la liberté et pour défendre une patrie, la France, qui manque cruellement de reconnaissance envers eux .
En 1944 ,on a assisté au blanchiment des troupes. Les soldats noirs ont été volontairement retirés des troupes et renvoyés en Afrique, pour ne pas les associer à la libération.
Au sortir de cette guerre, nous avons assisté à « Thiaroye 44 », où cette fois ci , ce sont les soldats de l’armée Française qui ont retourné les armes contre ces tirailleurs, pour avoir réclamé leur solde, dûment mérité et qui ne demandaient qu’à pouvoir retrouver les leurs, après avoir vécu l’atrocité d’une guerre , qui en réalité ne les concernait pas . Mais dont ils ont servi de chair à canon .
L’ingratitude ne s’arrêtera pas là. En 1959, Paris gèle leurs pensions d’anciens combattants. C’est pour les tirailleurs le début d’une nouvelle guerre de tranchées, contre l’administration française. De haute lutte, ils obtiennent le déblocage de leur pension en 2006.
Comme leurs frères d’armes français, ils touchent désormais 336 euros tous les six mois, une misère comparée à leur sacrifices.
Pour le symbole et une plus grande sécurité matérielle, ceux qui vivent en France réclament l’octroi de la nationalité. On les renvoie de ministère en préfecture. On leur demande de fournir les actes de naissance de leurs parents – souvent inexistants -, de passer un test de français. Une humiliation de plus, pour Aissata Seck, petite fille de tirailleurs et adjointe au maire de Bondy en charge des anciens combattantss , qui se battra pour qu’ils obtiennent la naturalisation . François Hollande en fera naturaliser 27 en 2017.
Aujourd’hui, il y a une volonté, particulièrement au Sénégal, de mettre en avant cet héritage militaire. Depuis 2004, il existe une «Journée du tirailleur», initié par l’ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012), dont le père était également tirailleur.
Lexique:
*Le terme de ville ouverte désigne, en état de guerre, une ville déclarée rendue sans combat afin de l’épargner de la ruine, de par un accord explicite ou tacite entre les belligérants. La question se pose lorsque la ville présente un intérêt historique ou culturel, ou bien compte tenu du nombre de civils présents parmi la population.
*Tirailleur coupeur d’oreille : les rumeurs couraient an Allemagne, que les tirailleurs du fait de leur statut d’indigéne, coupaient les oreilles de leur ennemi , en guise de trophée.
*La « Honte noire » est le nom donné à une campagne de propagande nationaliste et raciste déclenchée dans l’Allemagne de Weimar au début des années 1920 afin de dénoncer l’occupation de la Rhénanie par les troupes coloniales françaises : celles-ci, composées de soldats sénégalais, marocains et malgaches, étaient accusées de se livrer à divers sévices, incluant viols et mutilations, à l’encontre de la population allemande.