L’Afrique, berceau des mathématiques : une histoire méconnue

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L’Afrique est souvent reconnue pour son immense patrimoine culturel, ses civilisations millénaires et ses contributions à l’histoire mondiale. Pourtant, un aspect fondamental reste largement ignoré : le rôle central du continent dans le développement des mathématiques. Avant même que les Grecs ne posent les bases de la géométrie et de l’arithmétique, des peuples africains avaient déjà conçu des systèmes numériques avancés, utilisé des outils mathématiques et développé des méthodes de calcul sophistiquées.

Os d’ishango

Des preuves archéologiques éloquentes

L’une des plus anciennes preuves d’activités mathématiques en Afrique provient de l’os d’Ishango, découvert en République démocratique du Congo. Daté d’environ 22 000 ans avant notre ère, cet os gravé présente des séries de marques organisées d’une manière qui suggère une compréhension précoce des nombres premiers, des additions et des soustractions. Cette découverte remet en question l’idée que les mathématiques ont émergé principalement en Mésopotamie ou en Égypte.

L’Égypte antique : un centre de savoir mathématique

Papyrus de Moscou(Gauche) et Papyrus Rhind

L’Égypte antique, bien que souvent considérée comme une civilisation méditerranéenne, appartient pleinement à l’histoire africaine. Les mathématiciens égyptiens de l’Antiquité ont développé des concepts avancés en arithmétique, géométrie et algèbre. Le papyrus Rhind (1650 av. J.-C.) et le papyrus de Moscou contiennent des problèmes de multiplication, de division, de calcul d’aires et de volumes. Ces documents montrent que les Égyptiens utilisaient un système de fractions, des techniques d’approximation et une méthode de résolution d’équations linéaires.

Les mathématiques au service de l’astronomie et de l’architecture

Les constructions monumentales africaines, comme les pyramides d’Égypte ou les structures astronomiques du site de Nabta Playa (Sud de l’Égypte, 7000 av. J.-C.), révèlent une maîtrise des mathématiques appliquées. Nabta Playa est un cercle de pierres aligné sur les solstices, suggérant une compréhension avancée de l’astronomie et des cycles calendaires.

Nabta Playa

Les systèmes numériques africains : une diversité impressionnante

Loin des systèmes numériques gréco-romains ou arabes, plusieurs peuples africains ont développé leurs propres approches du calcul et de la numération.

  • Le système de numération des Yoruba (Nigeria) repose sur une structure vigésimale (base 20), montrant une sophistication qui rappelle celle des Mayas.
  • Les Bamana du Mali utilisaient des modèles mathématiques pour la répartition des ressources agricoles et la conception architecturale.
  • Les BaKongo avaient des techniques de divination basées sur des principes combinatoires et probabilistes.

Ces méthodes démontrent une diversité mathématique qui dépasse largement les simples opérations de comptage.

Relier les mathématiques africaines aux sciences modernes

Si les mathématiques africaines anciennes sont fascinantes, elles ne sont pas figées dans le passé. Aujourd’hui, elles trouvent des applications dans des disciplines modernes comme l’informatique et l’architecture :

  • Cryptographie et informatique : Les motifs fractals africains sont étudiés aujourd’hui pour la conception d’algorithmes et d’architectures informatiques plus efficaces.
  • Architecture durable : L’utilisation des proportions et des mathématiques en Afrique traditionnelle influence les nouvelles méthodes d’urbanisme écologique. Par exemple, les structures en adobe du Sahel et du Mali respectent des principes mathématiques d’équilibre et de ventilation naturelle.
  • L’intelligence artificielle : Certains chercheurs étudient la manière dont les modèles de pensée africains basés sur des logiques mathématiques non linéaires peuvent inspirer de nouvelles approches en IA.

La transmission des savoirs mathématiques africains

Contrairement aux civilisations qui ont laissé des traces écrites, l’Afrique a longtemps privilégié la transmission orale du savoir. Cette particularité a contribué à l’effacement de certaines connaissances aux yeux des historiens modernes.

  • Les objets mathématiques : Certains peuples utilisaient des objets concrets pour représenter des concepts numériques. Le sango, un outil de calcul congolais, et les cauris (coquillages utilisés comme monnaie et système de comptabilité) en sont des exemples.
  • Les universités médiévales africaines : Des centres intellectuels comme Tombouctou (Mali) et Fez (Maroc) enseignaient des mathématiques avancées, influençant le monde arabo-musulman et européen.
  • Les traditions agricoles et marchandes : L’organisation des récoltes, la gestion des échanges commerciaux et la conception des marchés africains étaient régies par des principes mathématiques appliqués.

Exemples concrets et applications modernes

Les mathématiques africaines ont laissé des traces visibles dans plusieurs domaines :

  • L’architecture de la Grande Mosquée de Djenné (Mali) : Elle illustre une application parfaite des principes de proportion et de stabilité.
  • Les systèmes de finance traditionnels, comme les tontines, reposent sur des mathématiques complexes qui gèrent les contributions et redistributions d’argent entre participants.
  • L’urbanisme fractal africain : L’organisation des villages africains suit des modèles fractals que l’on retrouve dans les sciences modernes et les systèmes en réseau.

La renaissance des mathématiques africaines

Malgré la colonisation et l’imposition des modèles éducatifs européens, un renouveau s’opère aujourd’hui :

  • Les recherches académiques : Des historiens des sciences, des anthropologues et des mathématiciens africains redécouvrent ces savoirs et les intègrent dans les programmes universitaires.
  • L’éducation africaine : Certains pays commencent à inclure des références aux mathématiques africaines dans leurs programmes scolaires.
  • Les initiatives technologiques : Des startups africaines utilisent les logiques mathématiques traditionnelles pour développer des solutions d’intelligence artificielle, de finance et de cryptographie.

Conclusion

L’Afrique n’est pas seulement le berceau de l’humanité, elle est aussi un foyer ancien de la pensée mathématique. Des os d’Ishango aux pyramides d’Égypte, en passant par les systèmes numériques complexes des peuples africains, l’histoire des mathématiques est indissociable de celle du continent. Aujourd’hui, la réhabilitation de ce savoir permet non seulement de mieux comprendre notre passé, mais aussi d’inspirer les innovations scientifiques et technologiques du futur.

Pour plus de détails sur le sujet , lisez cet article Black Ego sur les Mathématiques africaines.


🔍 Références :

  • Papyrus Rhind et Moscou : British Museum, Moscou Museum
  • Ron Eglash, African Fractals
  • Os d’Ishango : Musée royal d’Afrique centrale, Belgique
  • Recherches sur l’urbanisme fractal africain : MIT, Ron Eglash


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